Alors que le Conseil Présidentiel de Transition (CPT) peine à gagner la confiance populaire et à établir une gouvernance stable, une large majorité d’Haïtiens, appuyés par des organisations de la société civile, appellent à un changement radical : confier les rênes provisoires du pays à un juge de la Cour de cassation.
Depuis sa mise en place, le Conseil Présidentiel de Transition, censé incarner une solution de sortie de crise après des mois de vide institutionnel, suscite une profonde défiance. Ses membres, issus de compromis politiques fragiles, peinent à s’entendre sur une feuille de route commune. Leur légitimité est régulièrement contestée, tant par la rue que par des figures influentes du tissu social haïtien.
Selon des enquêtes d’opinion non officielles relayées par plusieurs plateformes citoyennes, près de 90 % des Haïtiens interrogés estiment que le CPT constitue un obstacle supplémentaire au redressement du pays. « Il ne représente pas le peuple. Il est né d’accords opaques entre acteurs politiques qui ne cherchent qu’à préserver leurs intérêts », déplore Carline Joseph, membre du Mouvement Citoyen pour la Refondation d’Haïti (MCRH).
Un fardeau institutionnel
Depuis sa création, le CPT n’a pas réussi à poser les bases d’une véritable gouvernance de transition. L’absence de décisions concrètes sur la sécurité, les élections ou la lutte contre la corruption alimente un climat de frustration générale. « Nous avons troqué le vide présidentiel contre une paralysie collective », résume un analyste politique sous couvert d’anonymat.
Des leaders religieux, syndicaux, juridiques et communautaires pointent également du doigt l’opacité des procédures du Conseil et son incapacité à instaurer un dialogue sincère avec les autres forces vives du pays. « Nous sommes face à une structure qui échoue à créer un minimum de cohésion nationale. Elle n’a ni la légitimité du suffrage ni l’autorité morale nécessaire », ajoute maître Frantz Dérival, avocat au barreau de Port-au-Prince.
Le recours à la Cour de cassation : un consensus grandissant
Face à ce marasme, un appel de plus en plus fort s’élève pour que la transition soit confiée à un juge de la Cour de cassation, la plus haute juridiction du pays. L’argument principal : restaurer une neutralité institutionnelle et briser le cycle des arrangements politiques inefficaces.
Pour de nombreuses voix, un juge de cette instance, choisi pour son intégrité et sa connaissance du droit constitutionnel, incarnerait une autorité capable d’assurer une transition crédible et de poser les jalons d’une future gouvernance démocratique.
« Ce serait une solution respectueuse de la Constitution et moins sujette aux influences partisanes », explique Marie-Gisèle Beauvais, professeure de droit à l’Université d’État d’Haïti. « Le pays a besoin de repères, pas de combinaisons politiciennes. »
Une urgence démocratique
Le statu quo est jugé intenable par de nombreux observateurs internationaux également. Sans une transition stable et crédible, le pays reste exposé à une aggravation de la crise sécuritaire, humanitaire et économique. La montée en puissance des gangs, le blocage des institutions judiciaires et l’effondrement des services de base constituent autant de menaces qui exigent une réponse rapide et structurée.
La pression populaire monte, et avec elle, une exigence : que les intérêts du peuple haïtien soient placés au-dessus des calculs politiques. Dans les rues de la capitale comme dans les campagnes, les voix s’unissent pour réclamer un changement de cap radical.
Le choix d’un juge de la Cour de cassation à la tête d’une transition intérimaire pourrait-il marquer ce tournant décisif ? Une chose est certaine : le Conseil Présidentiel de Transition, dans sa forme actuelle, semble condamné à l’impasse.