Par Amoureux de la sagesse
Le vent a tourné pour Moïse Jean-Charles. Ancien sénateur du Nord et figure de proue du parti “Pitit Dessalines”, il rêvait de présider Haïti, de poursuivre la promesse d’une nation souveraine et anti-impérialiste. Aujourd’hui, ce rêve semble s’être effondré, comme une statue sans socle, abandonnée par ceux-là mêmes qui l’érigeaient.
Autrefois premier porte-voix d’un nationalisme radical, l’homme est désormais isolé, relégué à la marge du débat politique. Dans les rues de Cap-Haïtien, rares sont ceux qui encore se réclament de lui avec fierté. Et dans les dix départements du pays, seul le Nord lui témoigne encore, sporadiquement, quelques signes d’allégeance. Partout ailleurs, c’est le silence — ou pire, le désaveu.
Un leader désavoué
Moïse Jean-Charles était autrefois perçu comme l’héritier spirituel des idéaux de Jean-Jacques Dessalines. À la tête du parti éponyme, il incarnait un espoir pour ceux qui se sentaient trahis par les élites traditionnelles et les ingérences étrangères. Mais à mesure que les années passaient, les contradictions se sont accumulées.
“Il disait être contre l’Occident, mais ses discours se sont adoucis, voire retournés,” confie un ancien membre du comité exécutif du parti, sous couvert d’anonymat. “Aujourd’hui, il n’en parle presque plus. Il a abandonné son combat.”
Des accusations de double discours ont commencé à circuler dans les milieux militants. Et pire encore, son nom est aujourd’hui murmuré dans des dossiers opaques liés à des irrégularités administratives dans la gestion du ministère de l’Agriculture — un poste qu’il a occupé brièvement dans un gouvernement de transition. Une enquête serait en cours, selon plusieurs sources officieuses.
L’érosion d’un rêve présidentiel
Le rêve de Moïse Jean-Charles d’accéder à la présidence d’Haïti semble désormais appartenir au passé. Battu lors des précédents scrutins, affaiblis par des démissions en série au sein de son propre mouvement, il n’incarne plus le changement pour une jeunesse haïtienne en quête de renouveau.
“Il a bluffé tout le monde,” dit Marie-Lourdes, étudiante à Port-au-Prince. “Il disait vouloir faire la révolution, mais il a fini par devenir ce qu’il prétendait combattre.”
Pour de nombreux observateurs, la chute de Moïse Jean-Charles s’explique aussi par un manque de stratégie et une incapacité à transformer ses slogans en politique concrète. Sa vision manquait de programme, et ses dénonciations, bien que parfois justes, n’étaient suivies d’aucune alternative structurée.
Implosion du parti “Pitit Dessalines”
Les fissures internes au sein du parti n’ont fait que s’élargir. Plusieurs figures clés ont claqué la porte, dénonçant un manque de transparence dans la gouvernance et une dérive autoritaire. La structure politique qui promettait d’incarner un sursaut citoyen est aujourd’hui une coquille vide, en perte de légitimité.
“Pitit Dessalines était un espoir,” se souvient un ex-responsable départemental dans l’Artibonite. “Mais cet espoir s’est éteint. Moïse ne parle plus pour le peuple. Il parle pour lui-même.”
Un isolement croissant
Dans un pays où la méfiance vis-à-vis des élites est déjà profonde, Moïse Jean-Charles est désormais perçu comme un symbole de trahison. Son rapprochement supposé avec certains acteurs internationaux — pourtant longtemps vilipendés dans ses discours — alimente les critiques. Pour beaucoup, il ne représente plus qu’une figure du passé.
La rumeur, elle, va plus loin : certains lui reprochent même d’avoir pactisé avec l’ennemi qu’il prétendait combattre, et d’avoir utilisé la cause populaire comme un tremplin personnel.
Une chute sans retour?
Moïse Jean-Charles peut-il rebondir ? Rien n’est moins sûr. Si ses ambitions sénatoriales ou son retour comme militant sont évoqués, peu y croient réellement. L’homme politique qui, autrefois, galvanisait les foules semble aujourd’hui incapable de rallumer l’étincelle.
“Il a trahi nos espoirs,” lance un jeune manifestant lors d’un récent rassemblement citoyen. “Il ne nous représente plus. Il ne nous inspire plus.”
Le revers du populisme sans cap
La trajectoire de Moïse Jean-Charles est le reflet d’un malaise plus large au sein de la classe politique haïtienne : celui d’un leadership souvent fondé sur la parole, mais rarement sur l’action. L’homme qui voulait porter la mémoire de Dessalines semble s’être perdu dans les méandres de ses propres contradictions.
Pour une génération qui exige désormais transparence, cohérence et vision, les figures comme Moïse Jean-Charles appartiennent déjà à une époque révolue. L’histoire jugera si son passage fut une trahison ou une transition manquée. Mais pour le peuple haïtien, une chose est certaine : il faut tourner la page — et vite.