Ce mardi matin, dans un climat de tension politique palpable, plusieurs figures de l’ancienne classe dirigeante haïtienne se sont réunies dans la capitale pour annoncer la création d’un large front visant à contester la légitimité du Conseil Présidentiel de Transition (CPT). Parmi les personnalités présentes, on retrouvait l’ancien sénateur Jean Renel Sénatus, connu sous le surnom de Zokiki, l’ex-Premier ministre Jean Michel Lapin, et l’ancien député Pierre Matin Tatout. Ces derniers, aux côtés de représentants de plus de trente partis et plateformes politiques, affichent un objectif clair : mettre un terme à ce qu’ils qualifient de dérive antidémocratique du CPT et réinstaurer un ordre constitutionnel à travers la nomination d’un juge de la Cour de cassation comme chef de l’État.
Un désaveu cinglant pour le Conseil Présidentiel
Créé pour sortir le pays de la crise institutionnelle qui gangrène Haïti depuis plusieurs années, le CPT est aujourd’hui sous le feu nourri de critiques. Ce qui devait être un organe de transition inclusive s’est transformé, aux yeux de nombreux observateurs et acteurs politiques, en une structure opaque, inefficace, et de plus en plus perçue comme un obstacle à toute véritable refondation nationale.
« Le CPT est devenu un fardeau. Il ne représente ni la population, ni les intérêts fondamentaux de la nation », a déclaré l’ancien sénateur Sénatus devant une foule composée de militants, d’activistes et de journalistes. Il accuse le Conseil de paralyser les institutions, de gaspiller les ressources de l’État, et surtout, de prolonger une crise politique sans fin.
Une solution controversée : le retour au judiciaire
Au cœur de cette mobilisation, l’idée de remettre le pouvoir entre les mains d’un juge de la Cour de cassation, en vertu de l’article 149 de la Constitution haïtienne, fait son chemin. Cette disposition, bien que controversée dans le contexte actuel, est invoquée par les initiateurs du mouvement comme une voie légale et urgente pour sortir de l’impasse.
« Le pays a besoin de stabilité, pas d’un pouvoir morcelé entre des représentants qui ne rendent de comptes à personne », a martelé Jean Michel Lapin. Selon lui, le juge de la Cour de cassation représente aujourd’hui la seule institution capable de jouer un rôle de régulateur, neutre et temporaire, en attendant de véritables élections.
Une opposition en quête de légitimité
Mais cette coalition hétéroclite, composée de figures de l’ancien régime, de partis traditionnels et de nouveaux acteurs de la scène politique, soulève aussi des interrogations. Pour certains, il s’agit là d’une tentative déguisée de reprise du pouvoir par une élite politique discréditée, responsable en partie des crises antérieures.
Des voix critiques dénoncent en coulisse une manœuvre opportuniste, où les vieilles alliances se reforment autour d’un objectif commun : évincer le CPT sans offrir une réelle alternative de gouvernance. Les partisans du Conseil, quant à eux, accusent ces anciens responsables de chercher à rétablir un ordre qui a déjà échoué, en s’appuyant sur des réseaux d’influence au sein de l’appareil judiciaire.
Vers une nouvelle phase de confrontation ?
Ce mouvement de ce 20 mai risque d’ouvrir une nouvelle phase d’instabilité dans un pays déjà fragilisé par l’insécurité, la misère, et l’absence de services publics de base. La volonté de court-circuiter le CPT par un choix unilatéral d’un juge-président pourrait provoquer une crise institutionnelle majeure, voire une escalade de tensions dans la rue.
Pour l’heure, le Conseil Présidentiel n’a pas officiellement réagi à cette annonce. Mais dans les cercles diplomatiques, l’inquiétude grandit. Car chaque tentative de renversement sans consensus élargi renforce la méfiance envers les institutions haïtiennes, et réduit encore plus les chances d’un retour à l’ordre démocratique.