Le Réseau haïtien des journalistes anti-corruption (RHAJAC) a lancé un signal d’alarme retentissant ce mardi 14 mai en adressant une lettre officielle à la Direction centrale de la police judiciaire (DCPJ). L’organisation y expose de graves soupçons portant sur un réseau criminel mêlant contrebande, trafic d’organes humains et implications politiques au plus haut niveau de l’État.
Un commerce lucratif à l’ombre du ministère de l’Agriculture
Selon le RHAJAC, un réseau illégal se serait constitué autour de l’actuel ministre de l’Agriculture, M. Vernet Joseph, dont la nomination aurait été le fruit d’un marchandage politique opaque. L’ancien sénateur Moïse Jean-Charles, aujourd’hui influent par l’intermédiaire de son avocat Me Emmanuel Vertilaire au sein du Conseil présidentiel de transition (CPT), aurait facilité cette nomination contre la somme de trois millions de dollars américains, déboursés par un groupe d’individus dont les noms reviennent avec insistance : Betty Lamy, Walson Sanon, Fritz Richardson.
Le secteur des anguilles, en apparence anodin, servirait de façade à des activités criminelles bien plus sombres. Cette espèce, très prisée sur le marché asiatique, est depuis longtemps l’objet de trafics transfrontaliers. Mais les faits dénoncés par le RHAJAC vont bien au-delà d’une simple affaire de contrebande.
L’hôpital Sacré-Cœur de Milot au cœur du scandale
La lettre du réseau de journalistes met en lumière des faits troublants survenus à l’hôpital Sacré-Cœur de Milot, dans le Nord du pays, bastion politique de Moïse Jean-Charles. Une employée de l’établissement, Isemelie Joisil, y aurait disparu dans des circonstances pour le moins suspectes. Depuis cet incident, les langues se délient. Des familles locales affirment avoir découvert que leurs enfants, nés à cet hôpital, vivaient avec un seul rein, sans qu’aucune intervention chirurgicale n’ait été consignée.
Les soupçons de trafic d’organes prennent ainsi une tournure plus concrète, d’autant plus qu’ils sont renforcés par les déclarations récentes de deux figures de poids : Leslie Voltaire et Fritz Alphonse Jean, respectivement anciens présidents du CPT, ont publiquement reconnu l’existence de réseaux mafieux opérant dans ce domaine.
Pourtant, malgré ces alertes répétées, les autorités judiciaires n’ont, jusqu’à présent, ouvert aucune enquête formelle.
Crash suspect et aviation clandestine
L’affaire prend une autre dimension avec l’évocation d’un crash d’avion survenu le 3 octobre 2024. L’appareil, appartenant à Mme Betty Lamy, aurait décollé sans autorisation de l’Office National de l’Aviation Civile (OFNAC) avant de s’écraser, tuant les deux pilotes à son bord : Hantz Blaise, citoyen haïtien, et Saint Amour Guy Emmanuel, ressortissant américain.
Selon les éléments évoqués dans la lettre, l’avion transportait illégalement des cargaisons d’anguilles. Là encore, aucune action judiciaire n’a suivi l’accident, malgré les irrégularités manifestes.
Une passivité inquiétante des institutions
Au fil des révélations, une constante se dessine : la passivité, voire l’inaction totale, des institutions compétentes. Ni la DCPJ, ni la Primature, ni l’Unité de Lutte Contre la Corruption (ULCC), ni la Cour Supérieure des Comptes (CSCCA) n’ont, à ce jour, manifesté la volonté d’agir ou de diligenter des investigations sérieuses.
Pour le RHAJAC, il est temps que cette inertie cesse. L’organisation demande une enquête rigoureuse et impartiale, en conformité avec le droit haïtien, afin de faire toute la lumière sur ces affaires inquiétantes et de déterminer les responsabilités des différents acteurs impliqués.
Un test pour la justice haïtienne
Ce dossier s’annonce comme un test majeur pour la justice haïtienne, dont la crédibilité est régulièrement mise en doute. Le pays, plongé dans une crise politique et sociale persistante, ne peut se permettre de rester sourd à des accusations aussi graves.
Si les faits évoqués par le RHAJAC s’avèrent fondés, il s’agirait d’un réseau criminel structuré, opérant avec la complicité de figures publiques, utilisant les institutions de l’État comme des paravents pour des activités illicites de grande envergure. Dans ce contexte, le silence des autorités serait non seulement coupable, mais complice.
À suivre…
Pour plus d’informations, contactez le Réseau haïtien des journalistes anti-corruption (RHAJAC) : anticorruptionrhajac@gmail.com.