Par [Amoureux de la sagesse]
Dans un monde où les identités sont trop souvent réduites à des catégories simplistes, certaines histoires émergent avec une puissance silencieuse, capables de bouleverser les imaginaires figés. C’est le cas d’une révélation récente, discrète mais historique : le pape Robert Francis Prevost, nouvellement élevé au rang de cardinal et préfet du Dicastère pour les évêques, descend des créoles de couleur de Louisiane et d’une lignée haïtienne méconnue.
Une découverte partagée par le généalogiste Jari Christopher Honora, qui met en lumière une vérité jusque-là cachée à la vue de tous — ou peut-être simplement ignorée : le nouveau pape porte dans son arbre généalogique les traces d’une Amérique métissée, profonde, et d’une diaspora africaine aux ramifications complexes.
Une grand-mère créole, une lignée de la Nouvelle-Orléans
L’histoire commence avec Louise Baquie, née en 1868 à la Nouvelle-Orléans. Elle appartenait à cette communauté créole de couleur, à la fois enracinée dans l’histoire française, espagnole, africaine et caribéenne de la Louisiane, et marginalisée par les constructions raciales américaines du XIXe siècle. Ces femmes et hommes libres de couleur, souvent éduqués et culturellement raffinés, ont longtemps défié les codes rigides de la société sudiste, vivant entre deux mondes — ni pleinement acceptés par les Blancs, ni complètement assimilés aux populations noires opprimées.
Louise Baquie, arrière-grand-mère du pape, incarne cette complexité historique. À travers elle, c’est toute une mémoire qui resurgit : celle des communautés afro-créoles, souvent invisibilisées dans les récits dominants sur la religion, la politique et la haute hiérarchie de l’Église catholique.
Un grand-père venu de Port-au-Prince
Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Le grand-père de Robert Francis Prevost, Joseph Martinez, est né en 1864 à Port-au-Prince, en Haïti — une autre page souvent effacée du passé. Haïti, première république noire du monde, née dans la douleur d’une révolution antiesclavagiste, a toujours eu un lien profond et ambivalent avec l’Église catholique. Que le successeur de Pierre porte en lui cette lignée haïtienne est une ironie de l’histoire aussi puissante que poétique.
Ce lien haïtien ajoute une dimension transatlantique à son héritage : une passerelle entre les mondes caribéens, louisianais et vaticans, que personne n’attendait, mais que l’histoire savait.
Une histoire qui résonne
Cette découverte, au-delà de sa portée généalogique, interroge : que signifie cette ascendance pour l’Église d’aujourd’hui ? Comment aurait-on accueilli cette information si elle avait été connue plus tôt ? Et surtout, que révèle-t-elle de nos propres aveuglements face à la diversité réelle de nos élites religieuses, politiques ou culturelles ?
Dans une époque où les débats sur la représentation, l’inclusion et l’histoire des diasporas noires sont plus vifs que jamais, cette révélation agit comme un miroir. Elle oblige à réévaluer les histoires que nous croyons connaître, et celles que nous avons oubliées, volontairement ou non.
Réparer les lignées : le travail de mémoire continue
C’est exactement ce type d’histoires que cherche à révéler la société Black Ancestries, fondée pour aider les personnes d’ascendance africaine à retrouver leurs racines, une génération à la fois. Ce n’est pas un simple exercice de mémoire : c’est un acte politique, identitaire, réparateur. Car retrouver ses ancêtres, c’est retrouver une voix, une place, une continuité que l’histoire a souvent voulu interrompre.
Grâce aux documents récemment exhumés — acte de naissance du grand-père haïtien, certificat de mariage des grands-parents — la filiation est clairement établie. Ce ne sont pas des spéculations, mais des faits, gravés dans les archives, désormais éclairés à la lumière du présent.
Un pape issu du monde noir ?
Robert Francis Prevost ne s’est jamais présenté sous cette identité. Peut-être ne la connaissait-il pas lui-même, ou n’y accordait-il pas d’importance particulière. Mais l’histoire, elle, parle d’elle-même : dans ses veines coule un sang créole, caribéen, haïtien. Et c’est une information que l’on ne peut ignorer, car elle change — subtilement mais radicalement — la manière dont nous comprenons le pouvoir, la spiritualité et l’universalité de l’Église.
C’est une histoire puissante, révélée sans scandale ni provocation, simplement avec la force tranquille de la vérité.