Par un regard lucide sur une crise qui s’aggrave, la rue gronde, la colère monte. Haïti n’en peut plus de survivre à genoux. Le Conseil Présidentiel de Transition (CPT), dernier-né d’un long cycle d’impostures politiques, est perçu par une partie croissante de la population non comme une solution, mais comme un prolongement de la maladie. Se lever pour l’éradiquer n’est pas un crime. C’est un droit. Un devoir.
Un Conseil né de l’opacité et du déni populaire
Le Conseil Présidentiel de Transition n’est ni élu, ni mandaté par le peuple. Il n’est pas le fruit d’un consensus national, mais d’un arrangement diplomatique né dans les salons climatisés de la CARICOM, sous le regard bienveillant de Washington, Paris et Ottawa. Composé de figures politiques déjà rejetées par la rue, ce conseil est censé assurer une transition vers des élections en 2026. Mais à quel prix ? Et surtout, avec quelle légitimité ?
Dans les rues de Port-au-Prince, dans les marchés de Jacmel, sur les ondes des radios communautaires de Cap-Haïtien, une question revient : pourquoi le peuple haïtien devrait-il obéir à des dirigeants qu’il n’a pas choisis ? Le CPT, pour beaucoup, n’est qu’un autre visage d’un vieux système : clientéliste, corrompu, coupé de la réalité sociale du pays.
Ce n’est pas un coup d’État de refuser l’imposture. C’est un acte de survie nationale.
De la transition à la trahison
Ce que l’on appelle aujourd’hui “transition” n’est en réalité qu’une stagnation maquillée. Depuis la chute de Jovenel Moïse, Haïti vit dans un vide politique que la communauté internationale tente de combler à sa manière : en imposant des arrangements. Après l’échec d’Ariel Henry, voici donc le CPT, sorte de cartel politique formé sans ancrage populaire, sans transparence, sans vision.
Les membres de ce conseil ne sont pas neutres. Ils viennent, pour la plupart, de partis ou de tendances qui ont contribué à la faillite de l’État haïtien. Leur mission officielle est de sortir le pays de la crise. Leur réalité quotidienne est une reproduction du système de prédation : accaparement des ressources, promesses creuses, gesticulations médiatiques et paralysie administrative.
Le CPT ne gouverne pas. Il gère l’agonie. Et il en tire profit.
CARICOM, ONU, puissances étrangères : des “médecins” complices de la maladie
L’échec du dispositif régional et international est désormais flagrant. Malgré les déclarations de bonne volonté, malgré les sommets, les commissions, les plans de sécurité, la situation d’Haïti ne s’est pas améliorée. Au contraire : elle a empiré. Les gangs armés contrôlent des portions entières du territoire, l’économie s’effondre, la faim gagne, et l’exode s’accélère.
CARICOM, épaulée par les grandes puissances, croyait pouvoir recoller les morceaux d’un pays brisé à coups de négociations diplomatiques. Mais on ne reconstruit pas une nation avec des élites déconnectées, ni avec des marionnettes fabriquées en laboratoire international. La souveraineté ne s’administre pas de l’extérieur. Elle se réclame, elle se conquiert.
L’heure du peuple a sonné
La patience populaire a des limites. Haïti n’a pas besoin d’attendre 2026 pour savoir ce que ce conseil représente : une prolongation de la misère, une confiscation de la parole citoyenne, une fuite en avant vers un gouffre qui semble chaque jour plus profond.
Ce n’est pas un appel à la violence. C’est un cri de lucidité. Se lever contre un pouvoir illégitime n’est pas un désordre. C’est une réponse saine à l’humiliation continue. Refuser de se laisser gouverner par des imposteurs, soutenus par des puissances étrangères qui ont toujours traité Haïti comme un pion et non comme une nation, c’est reprendre le fil de l’histoire brisé depuis trop longtemps.
Haïti peut encore éviter l’effondrement. Mais elle doit agir maintenant.
2026, c’est trop loin. Et c’est peut-être trop tard. Le peuple haïtien n’a plus le luxe du temps. Il n’attend pas de messie, ni de solution miracle. Il réclame simplement qu’on lui rende ce qui lui appartient : le droit de décider pour lui-même, avec des institutions issues de sa volonté, pas de celle d’ambassades.
Haïti a été la première nation noire à briser ses chaînes. Elle ne peut rester la dernière à s’en fabriquer de nouvelles.