Port-au-Prince,10 avril 2025 — Haïti n’a plus d’État. Voilà une réalité que personne n’ose dire tout haut, mais que tout le monde ressent, endure, subit au quotidien. Depuis l’assassinat du président Jovenel Moïse, le 7 juillet 2021, le pays vit dans un vide institutionnel jamais comblé, dans une transition permanente qui ressemble plus à une dérive qu’à une solution. Ceux qui prétendent gouverner ne sont ni légitimes ni écoutés. Pire encore, ils ne sont pas respectés, ni par la population, ni par les groupes armés, ni par la diaspora, ni même entre eux.
Aujourd’hui, Haïti est devenu un territoire sans direction, sans boussole, où tout le monde attend la catastrophe suivante.
L’après-Jovenel : un pouvoir sans ancrage, un État sans colonne
Depuis ce jour tragique de juillet 2021, où le président Moïse a été tué dans sa propre résidence, aucun dirigeant n’a su – ou voulu – prendre les rênes avec courage, vision et légitimité. Ariel Henry, installé dans la confusion avec l’appui de la communauté internationale, n’a jamais su convaincre. Sa gouvernance, marquée par des promesses sans actes et un isolement croissant, n’a fait que renforcer le sentiment d’abandon chez le peuple haïtien.
Et puis est venu le Conseil Présidentiel de Transition (CPT), censé être une réponse collective, inclusive, à la crise de leadership. Mais ce conseil s’est très vite enfoncé dans les mêmes logiques de pouvoir que ses prédécesseurs : luttes intestines, lenteurs incompréhensibles, déconnexion totale avec la réalité du pays.
Le peuple ne les connaît pas. Il ne les a pas choisis. Il ne les reconnaît pas.
Une mascarade politique qui ne dit pas son nom
Le CPT n’a rien produit. Pas de sécurité rétablie, pas de plan de gouvernance, pas d’avancée concrète vers des élections crédibles. Et pendant ce temps, les gangs s’installent comme une nouvelle classe dirigeante, imposant leur loi dans la capitale et bien au-delà.
Plus grave encore : la passivité du CPT ressemble à une stratégie. En ne faisant rien, en temporisant, en organisant le vide, certains membres semblent chercher à prolonger leur présence jusqu’à la prochaine échéance constitutionnelle : le 7 février 2026.
Mais laisser cette structure sans ambition diriger le pays jusque-là serait un crime contre la nation. C’est offrir deux années de plus à l’inaction, à l’insécurité, à l’effondrement social.
Haïti est ingouvernable… mais pas irréparable
On entend souvent dire qu’Haïti est “ingouvernable”. C’est vrai – mais ce n’est pas une fatalité. Ce n’est pas une question de peuple, ni de culture, ni de malédiction. C’est une question de leadership. Les structures de l’État sont mortes, oui. Les institutions sont fantomatiques. Mais ce vide peut, et doit, être comblé par des forces nouvelles.
Aujourd’hui, n’importe quel citoyen de bonne volonté, patriote, compétent, visionnaire, pourrait mieux incarner le pouvoir que ceux qui s’en réclament actuellement. Il ne faut pas avoir été ministre ou sénateur. Il faut avoir une conscience. Il faut vouloir servir, pas se servir.
Haïti n’a pas besoin d’une autre transition gérée par des cadavres politiques. Elle a besoin d’une rupture, d’un renouveau, d’un appel au peuple, au vrai peuple.
2026 ne peut pas être une répétition du passé
Si rien ne change, si le CPT arrive sans obstacle jusqu’au 7 février 2026, alors ce ne sera pas une transition. Ce sera une reddition. Une reddition totale de l’intelligence haïtienne, de sa jeunesse, de sa mémoire historique.
Chaque jour que ce Conseil passe à ne rien faire est un jour volé à l’avenir. Il faut dire les choses comme elles sont : ces acteurs politiques qui ont échoué à plusieurs reprises n’ont rien à faire dans la prochaine phase de refondation. Ils ne doivent pas en faire partie. Le pays ne peut pas continuer à confier son destin à ceux qui ont contribué à son naufrage.
Le temps du réveil
La nation haïtienne n’a pas encore disparu. Elle souffre, elle saigne, elle tremble, mais elle est encore debout. La vraie autorité n’existe pas à la Villa d’Accueil, ni dans les bureaux ministériels désertés. Elle est dans les rues, dans les écoles fermées, dans les hôpitaux à bout de souffle, dans la diaspora qui envoie chaque dollar avec espoir.
L’heure est venue de mettre fin à cette illusion de transition. Le peuple haïtien mérite un vrai choix, une vraie voix, et une vraie rupture avec les routines qui tuent.
Car si Haïti ne respire pas bientôt, elle risque de s’effondrer pour de bon